Ces temps ci, le juge Baltasar Garzon veut revisiter l’histoire accusant les possibles crimes contra l’humanité commis pendant et après la guerre d’Espagne.
Ces temps ci ont veut déterrer Lorca et des fouilles sont entreprises dans bien d’autres fosses communes.
Alors parmi cette histoire sans cesse irrésolue résonnent encore les chants et les volontés des gens qui la firent, les uns se disaient confiants :
« Oublier sa mère, ou bien la sublimer, pour se fiancer avec la mort, alors que faire de l’opposition de certains envers ce choix impérieux. »
D’autres, bien au contraire, se donnaient courage avec ses paroles :
« Rasons rois et pontifes, dictats, dictateurs et états, drapeaux et frontières.
Rasons la morale du passé, la peur du futur. Seul notre présent commun conte. »
Je veux parler de la flamme des utopies les plus extrêmes. Qui ne se sentent exclus ni les socialistes ni les libéraux ni les communistes, chacun connaît sa place.
Mais c’est la déraison collectiviste qui offre à mes yeux la plus belle métaphore des utopies tronquées et du non idéalisme qu’est le notre.
C’est ainsi que donnant écho a cet « héritage naturel », legs que ma génération entendit quotidiennement, que ces dessins, ces peintures prient forme entre l’hommage, le commentaire et la fascination.
Le premier mot qui me vint a l’esprit ce fut : “Quijotes!” Ce cri retentit dans ces champs d’Aragon pendant cette guerre que les espagnols ont nommé “Guerra Civil 1936-1939”. Donc par extension, avant tout ce fut une affaire entre les gens eux-mêmes.
La population se divisa et chaque individu prit le drapeau de son utopie. Les uns manipulés, les autres lucides, changeants de camp parfois, tout fut mobilisé, du plus sauvage des instincts jusqu’à la plus sublime des vertus.
Globalement il y eut deux visions évidentes, d’un côté mater au plus tôt et par tous les moyens une insurrection militaire, un coup d’état qui se faisait trop long. Il s’agissait de défendre cette deuxième république, qui jeune encore essayait par des réformes désespérées de gagner le temps perdu de cette Espagne si embourbée dans son histoire singulière.
De l’autre côté, ce petit général opportuniste, remuant peurs et haines, frustrations et ignorances, mit de son côté fascistes et intégristes d’ici et d’ailleurs, et dans cette Espagne d’antan qui vivait encore dans bien des coeurs.
En ce vingt et unième siècle, moi, citoyen, européen, que sais-je, parmi les foules grises je cherche des gens de conviction, des gens avec un monde intérieur à offrir. Parmi les multitudes cosmopolites d’aujourd’hui, grisées par des crises abstraites et des guerres lointaines, je veux me souvenir avec force de ces gens d’alors qui pensaient des mondes nouveaux avec une absolue conviction.
lLe monde d’alors était à l’essai, dans cette modernité éclatante prenait des proportions inouïes, menant l’homme vers des desseins extrêmes.
Dans le monde entier des revanches et des vengeances grondaient entre les nations. Les unes coincés par les autres. Certaines rêvant d’empires nouveaux,d’autres en peine à soutenir les leurs.
Dans ce contexte cette Guerre Civile,il est commun de dire fut un laboratoire, parfois un avant goût de ce qui adviendrait dans le reste du monde.
Dans ce laboratoire, donc, prirent forme deux postures de référence, les Républicains et les Nationaux.
Les Nationaux étant absoluments catholiques,anti-communistes, anti-gauchistes, méfiants de la démocratie, de l’intellectualité, et de la liberté individuelle.
Face à cela le gouvernement élu ne peut que dresser une armée populaire composite et improvisée qu’il fit souvent avec peu de moyens, face au fanatisme mortuaire qui annelait la table rase.
Dans cette armée de mouvances, cette zone rouge, dans ces peuples d’utopies il y eut un grand rêve d’autogestion, syndicats, usines, collectivisations agricoles,dans la riche catalogne, dans les terres d’Aragon, désirant s’étendre ailleurs.
Ces quichottes des temps modernes tout en attendant l’arrivée des hordes de loups bleus, essayèrent, parfois sans moyens, parfois sans culture,de s’inventer un monde nouveau sans Dieu ni Maitre. Rêvaient-ils de cinéma dans leurs barricades ? Les voyons-nous comme des héros de fiction ? Comme des héros réels, tellement réels que seulement des catapultages et des connotations fictionnelles pourraient me permettre de faire un commentaire profond, une fresque de leur situation. Ainsi mon opinion puisse être comprise à travers mes images. Aujourd’hui je veux crier de toutes mes forces vers leur réalité, puis-je la réveiller, réveiller ces tranchées, ces barricades, ces fronts de campagne. Je veux attirer tous ces rêves. Quelles peuvent bien être les tribulations de tous ceux qui attendent un fusil à la main se battant pour ses idées.
Qu’elles étaient ces barricades, qu’ils étaient fragiles ces d’attentes bien avant que les fascistes ou les bolchéviques n’arrivent à raser tous ces rêves bricolés.
Comment improviser un char d’assaut avec une camionnette qui chargeait des briques dans l’usine et un canon de la guerre de Cuba réquisitionné à la caserne du quartier.
Défilés et solutions naissaient de la volonté seule.
Un jour le monde peut devenir un opéra, comme quand ces expéditions guerrières que ces colonnes de « Quijotes » firent dans l’Aragon avec leurs engins. Ces machines, arrangements hybrides entre véhicules et armes gagnées à l’ennemi ou emprumtées aux troupes loyales. De nos jours leur vision nous évoque des machines dadaïstes, des artefacts théâtraux, plus que des chars d’assaut, qu’elles prétendaient être. Avec cette force additionnée à leur conviction de la nécéssité de se battre, avec la force des désespérés qu’est la représentation, ils tentèrent de faire face aux soldats de métier ou aux troupes d’appoints venues du Maroc, comme à ces paysans ou ces voisins de palier qui vivaient avec une peur nouvelle, celle que leur dieu soit bafoué, l’ordre du monde et surtout de la propriété redéfinis.
La fin de cette tragédie, où nous les espagnols avons le secret était connue d’avance, mais c’est cela qui rend les tragédies résonnantes et immortelles.
Ces hommes dressés par leurs idées trouvèrent la mort, la prison, l’exil.
Mais le drame de cette pensée populaire, de cette autogestion utopique, de cette interprétation tacite de théories nées de vrais théoriciens. Cette valeur des faits, ce don de soi pour l’espoir collectif, c’est cela qui vit encore.
J. Sales Albella